2007 – Faciliter l’accès aux droits fondamentaux et le vivre-ensemble : la mise en place du plan local d’intégration
Dans un contexte politique favorable à l’inclusion et à la cohésion sociale, le CAI s’engage, avant même d’en avoir reçu la mission, dans l’élaboration de plans locaux d’intégration. Deux ans plus tard, cette mission est officiellement octroyée à tous les Centres régionaux d’intégration (CRI) dans le cadre du nouveau décret de 2009, modifiant celui de 1996 relatif à l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère. Ces plans d’intégration entendent impulser une logique de cohabitation harmonieuse des cultures au sein des villes et communes. À partir de l’analyse des barrières rencontrées par les personnes étrangères dans l’accès aux droits fondamentaux, l’objectif est de construire collectivement, avec l’ensemble du réseau d’acteurs de terrain (associations, communautés d’immigrés, etc.) et les pouvoirs locaux, des solutions pour en faciliter l’accès.
En réalité, la mise en place de plans d’intégration visant à faciliter l’accès aux droits fondamentaux des personnes étrangères démarre bien avant que cette mission ne soit officiellement confiée aux Centres régionaux d’intégration en 2009.
Pour en comprendre les prémices, il faut remonter aux années 1980 et se rappeler que la Wallonie connaît alors un déclin socio-économique, qui la pousse à réfléchir à de nouvelles politiques pour redynamiser son économie. Un ensemble de rapports, parmi lesquels le bilan du Commissariat royal à l’Immigration en 1992, puis le Rapport général sur la pauvreté (RGP) en 1995, font apparaître que la Région wallonne ne pourra se contenter de stimuler les secteurs d’activités économiques pour redresser la situation, mais qu’elle devra aussi « s’attaquer plus profondément aux causes structurelles de la pauvreté et de la précarité » de sa population, au sein de laquelle figurent aussi des personnes immigrées.
Si, en 1992, les besoins spécifiques en matière d’accès aux droits fondamentaux des personnes immigrées sont englobés dans la politique générale de l’Action sociale (et plus particulièrement de la Cohésion sociale, à travers la création de la Direction interdépartementale de l’Intégration sociale, DIIS), progressivement, les pouvoirs politiques en place prennent conscience des freins et obstacles spécifiques rencontrés par cette population originaire d’ailleurs. C’est ainsi qu’en 1996, l’intégration des personnes étrangères et d’origine étrangère devient une matière à part entière, tout en restant liée à l’Action sociale (voir Fiche 37 – Parcours d’intégration).
En 2000, un premier Contrat d’Avenir pour la Wallonie (CAW) voit le jour. Il définit des actions prioritaires en matière d’emploi, de formation, d’enseignement, de recherche, de lutte contre la pauvreté, d’aménagement du territoire, etc. Il a pour ambition de créer une Wallonie active et solidaire. Le Gouvernement wallon doit mettre en œuvre douze objectifs, parmi lesquels figure le renforcement de la cohésion sociale.
Ce contrat est renouvelé en 2005. Le Contrat d’Avenir renouvelé (CAR) définit des actions prioritaires et les moyens pour les mettre en œuvre. Il repose sur quatre plans stratégiques : la création d’activités, le développement du capital humain, des connaissances et des savoir-faire, l’inclusion sociale et le développement territorial équilibré et durable.
Plus spécifiquement, le 19 octobre 2005, le Gouvernement adopte le Plan stratégique transversal – Inclusion sociale 2006-2009 (PST 3) « pour plus de cohésion sociale en Région wallonne ». Il doit contribuer à ce que chaque personne en Wallonie puisse vivre dignement, accéder à l’ensemble des droits fondamentaux et participer à la vie de la société, sans subir de discrimination. À travers ce plan, le Gouvernement s’engage à poursuivre ses efforts et à créer ou renforcer les mesures qui, au sein des compétences régionales, peuvent rencontrer l’objectif d’une meilleure prise en compte de ceux qui ont le plus besoin du soutien des politiques publiques. Le PST 3 s’articule en six axes : « Un logement décent pour tous » ; « Une société seniors admis » ; « Les personnes handicapées : des citoyens à part entière » ; « Les personnes précarisées : des citoyens à soutenir » ; « L’intégration des personnes d’origine étrangère » et « Les demandeurs d’emploi : des personnes à accompagner ».
Sur le plan local, dès 1992, 250 communes wallonnes, bénéficiant d’un soutien de la DIIS et d’une subvention de la Région wallonne, s’engagent à lutter contre les inégalités et la pauvreté, à travers notamment les plans sociaux intégrés, les plans de prévention de proximité, les plans « Habitat permanent » et d’autres projets comme « Été solidaire, je suis partenaire ». Elles entreprennent des actions de proximité en partenariat avec le tissu associatif, telles que des animations de quartier ou de l’accueil extrascolaire. Il faut cependant attendre 2008 pour qu’il soit confié aux Villes et Communes, l’élaboration de Plans de Cohésion sociale basé sur l’approche des droits fondamentaux définie par le Conseil de l’Europe. La Région wallonne participe, en revanche, dès 1999 aux travaux de réflexion du Conseil de l’Europe pour tenter de définir la Cohésion sociale et ses indicateurs.
Ce contexte explique pourquoi le CAI se lance anticipativement dans la construction des plans locaux d’intégration, car, tant au niveau local que régional, les politiques s’inscrivent déjà en faveur d’une société plus solidaire et plus juste. Même si les responsables politiques ne prévoient pas encore de complémentarité entre les Plans locaux d’intégration (PLI) et les Plans de cohésion sociale (PCS), le CAI commence stratégiquement à le faire localement dès 2007, profitant de la convergence des volontés entre les deux niveaux de pouvoirs.
Dès 2006, soit quelque temps après l’adoption du PST 3, le CAI réalise un premier cahier de revendications (« À nous la parole ») à destination des candidats des élections communales et provinciales, pour une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des personnes étrangères en province de Namur. Cette production, fruit d’un travail collectif entre le CAI, des opérateurs namurois et des personnes étrangères, permet d’élargir le débat démocratique pour une société plus juste et plus solidaire grâce à leurs témoignages.
Dans le prolongement de cette initiative, le CAI poursuit le processus de concertation et de collaboration avec les mandataires communaux et provinciaux pour identifier, ensemble, les leviers existants d’une politique locale favorable à la diversité. C’est ainsi qu’en novembre et en décembre 2007, un colloque est organisé à Namur, en collaboration avec Carrefour des Cultures, puis un séminaire à Dinant, pour entamer la construction des futurs Plans locaux d’intégration dont l’objectif est de faciliter l’accès de tous aux droits fondamentaux. Un nouveau cahier des charges est rédigé par le CAI dans ce cadre sous le titre « Pour une ville respectueuse des droits et de la diversité », proposant des pistes concrètes à inscrire dans la politique locale.
Entre 2007 et 2008, le CAI se lance dans de nombreux chantiers « Plan local d’intégration » avec différentes communes. La méthode est inductive, c’est-à-dire, qu’elle part des besoins des personnes et des associations communautaires, pour construire des réponses avec les services communaux et les acteurs associatifs présents sur le territoire communal concerné. Ceci est à mettre en perspective avec le nouveau décret de la Cohésion sociale de 2008, qui confie désormais aux Villes et Communes wallonnes un cadre réglementaire plus précis pour mettre en œuvre l’accès aux droits fondamentaux à l’échelon communal. Le plan de cohésion sociale apparaît pour soutenir les communes wallonnes qui s’engagent à promouvoir la cohésion sociale sur leur territoire. La cohésion est vue comme l’accès de tous aux droits fondamentaux et au bien-être social, culturel et économique. Il couvre, à l’époque, quatre axes : l’insertion socioprofessionnelle ; l’accès à un logement décent ; l’accès à la santé et le traitement des assuétudes ; le retissage des liens sociaux. Pour construire un tel plan, les communes partent d’un diagnostic des besoins des populations présentes et de l’offre existante sur leur territoire avec les acteurs, tout comme la méthodologie du PLI.
De 2008 à 2016, les premiers plans locaux d’intégration (PLI) sont mis en place selon une logique géographique de proximité, afin d’œuvrer à « l’intégration des personnes étrangères et d’origine étrangère (PEOE), en mettant en évidence leurs besoins spécifiques et en définissant les stratégies à développer pour mieux les rencontrer… ». Les entités communales retenues pour mettre en pratique cette approche sont Namur, Sambreville et Gembloux, Dinant, puis Florennes (PLIC : plan local d’intégration et de cohabitation, vu la présence du centre d’accueil sur le territoire communal). Le choix de ces différentes localités n’est pas anodin, car on y retrouve une part plus importante de communautés d’immigrés de première et seconde générations. D’autres communes de la province sont également interpellées par la suite, notamment dans le Sud : Viroinval, Beauraing, Philippeville et Couvin.
Après ces années de mise en pratique collective, menée en partenariat avec la majorité des acteurs du secteur associatif, des associations d’immigrés et des services publics impliqués dans l’Accueil et la Cohésion sociale, plusieurs constats d’importance ressortent :
- La similitude, malgré des différences de contexte, des freins et problématiques pour accéder pleinement aux droits fondamentaux. Ces barrières ne sont pas ancrées et spécifiques au substrat local, mais relèvent de « logiques » plus structurelles que l’on retrouve à une échelle plus large.
- Le faible intérêt des communes au niveau local, qui s’investissaient plutôt dans les plans de cohésion sociale.
- Le besoin d’appréhender la notion d’intégration selon une logique à double sens, soit :
- Accompagner les personnes étrangères dans leur parcours d’apprentissage des codes culturels belges et de leur insertion dans la société wallonne : langue française, citoyenneté, insertion socioprofessionnelle, etc. ;
- Œuvrer à l’ouverture de la société d’accueil en travaillant sur les freins et réticences de celle-ci qui reste toujours « dominante et majoritaire » à accepter l’autre dans sa différence sans que celle-ci n’engendre la peur de la perte de son identité – ou un sentiment non fondé d’invasion.
Déjà conscient de ces enjeux, le CAI a entrepris de diversifier son offre de services afin de l’étoffer et de la rendre plus accessible géographiquement en ouvrant sept autres Bureaux d’accueil des primo-arrivants (BAPA). Ce faisant, les personnes invitées dans un premier temps à suivre le parcours d’accueil et qui, depuis 2016, sont dans l’obligation légale d’adhérer au parcours d’intégration, ont désormais un relai de proximité. Elles ont ainsi accès à l’ensemble des services proposés par le CAI ainsi qu’à l’ensemble des acteurs du réseau associatif de proximité, étant donné la capacité du Centre à connecter tant les personnes que les institutions.
Afin d’anticiper ce changement majeur et de capitaliser sur les principaux constats des Plans locaux d’intégration (PLI), le CAI en partenariat avec la Province et le Centre local de promotion de la Santé (CLPS) de Namur ont décidé de donner une autre envergure au dispositif PLI en passant à un plan d’intégration à l’échelon provincial – tout en gardant ses spécificités au niveau local. C’est ainsi que naît le premier Plan provincial et local d’intégration (PPLI) des personnes étrangères et d’origine étrangère à l’échelon de la province de Namur. Ce Plan d’action 2017-2019 du PPLI (soit 3 années civiles) se base sur la réalisation d’un diagnostic provincial, participatif et interactif. Au cours des années 2015 et 2016, c’est le CAI qui est chargé de réaliser ce diagnostic dont l’objectif premier est de collecter les informations nécessaires pour identifier les difficultés, les freins, ainsi que les besoins des personnes étrangères et d’origine étrangère dans leur démarche d’intégration en province de Namur.
Dans la foulée, différents espaces de concertation traitant des questions d’accès aux droits fondamentaux se développent pour mettre en œuvre les différentes actions pensées. En 2018, ceux-ci permettent l’élaboration d’un mémorandum dans le cadre des élections locales. Une soirée de rencontre entre le réseau d’acteurs de l’intégration et les candidats politiques est l’occasion de leur transmettre les recommandations co-construites pour améliorer cet accès. Courant 2019, quinze groupes de travail et plateformes, regroupant près d’une centaine d’associations et représentants des services publics, y sont encore actifs.
À la tête du dispositif de pilotage du PPLI, nous retrouvons alors les acteurs clés que sont la Province, le CLPS de Namur et le CAI. Ce trio y assure conjointement le respect de la méthodologie et le suivi des axes de travail, dont le fil rouge reste l’accès aux Droits fondamentaux pour les personnes étrangères. Son assemblée plénière annuelle permet de faire un état des lieux des actions réalisées et des perspectives pour l’année suivante.
Aujourd’hui, après le retrait du CLPS et de la Province de Namur du pilotage du PPLI, le CAI se retrouve seul aux commandes. Si l’accompagnement des personnes, le travail en réseau et le développement d’activités s’organisent encore sur l’ensemble du territoire provincial, le Plan provincial et local d’intégration est passé à une version 2.0. Il repose dorénavant sur une planification pluriannuelle (6 ans) qui se cale sur la programmation des Plans transversaux stratégiques des Plans de Cohésion sociale. Il s’agit d’une structure plus souple qui permet d’intégrer les nouveaux besoins, les nouveaux publics et les nouvelles situations qui se présentent sur le territoire, tout en conservant la méthodologie de travail (qui consiste à partir des constats de terrain pour œuvrer avec le réseau à apporter des solutions) et les espaces de concertation au niveau sous-local (coordinations locales). Seuls les espaces de concertation à l’échelon provincial sont revus à la baisse et certains droits fondamentaux font l’objet d’une nouvelle stratégie d’action, qui vise à investir des espaces de concertation existant pour y apporter l’expertise du CAI sur les besoins des personnes étrangères. Cette adaptation résulte d’un travail d’évaluation du fonctionnement du précédent plan provincial et local d’intégration.
Des mémorandums au service du PLI :
Depuis 2006, avec la rédaction de la publication « À nous la parole », une tradition d’interpellation s’est instaurée au sein du CAI pour conscientiser les représentants politiques locaux (communaux et provinciaux) aux besoins spécifiques des personnes en matière d’accès aux droits fondamentaux. Dans les années qui suivent, plusieurs publications, sous forme de mémorandums, sont rédigées avec le réseau de partenaires et les personnes elles-mêmes, à destination des candidats politiques dans le cadre des élections communales et provinciales. Elles sont des outils incontournables pour favoriser une articulation cohérente et pertinente entre les plans de cohésion sociale et les plans locaux d’intégration, conformément aux exigences de la Région wallonne vis-à-vis des Centres régionaux d’intégration.
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